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Merci aux membres du comité Arnaud, Hervé, Camille ,Sophie, Fanny, Christophe, ma grande amie Laurence et Marion (et tous les autres membres d'Agir Pour Ingrid).

Un gros merci à mes collègues d'Arcachon.
Ma très patiente et sensible directrice Sabine, mes adorables collègues Audrey et Sandra et ma petite Soeur Christelle et à l'ensemble du personnel du SIBA ainsi qu'aux élus du Bassin d'Arcachon et de Gironde.

Et aussi merci de vous avoir croisé vos chemins (spirituellement) Fabrice, Mélanie et Lorenzo et mon plus profond respect à vous Ingrid Betancourt. Nous devons continuer, vivre c’est s’engager

Encore un grand merci pour Sabine, Christelle et laurence, sans ma "maman", ma "petite soeur" et ma "jumelle" je n'aurais pas pu faire cela, vous m'avez donner un équilibre et vous m'avez rattraper quand j'ai perdu le cap, sans vous je n'aurais pas pu me relever aussi rapidement, ce comité m'a permis de faire de très belle rencontre de voir de belle personne.

Dans chacune de vous je retrouve de la dignité, du courage et la determination, les valeurs d'une certaine personne...

Merci Sabine, j'attends tes récits...
Merci Christelle, je reçois ta gentillesse...
Merci Laurence, je t'attends...

bonne route à tous, ce fut un beau moment...

Mais nous avons un nouveau combat

9 avril 2008

Nul ne sait avec exactitude à quel degré l'état de santé d'Ingrid Betancourt Pulecio s'est détérioré. Mais les nouvelles - et les rumeurs - alarmantes en provenance du fin fond de l'Amazonie font craindre le pire. Surtout depuis sa lettre du 24 octobre 2007, dans laquelle l'ancienne candidate à la présidence de la République colombienne avait déjà, disait-elle, quitté le "monde des vivants"... Dans les ténèbres de la jungle, ses geôliers l'avaient alors autorisée à rédiger un courrier à sa famille pour accompagner l'enregistrement vidéo où elle était apparue, visage baissé, amaigrie, spectrale.

La lecture de cette missive aux accents testamentaires - 12 pages d'une écriture serrée - ne laissait guère de place à l'espoir. C'était une lettre d'adieu. Qui s'achevait par ces mots, à glacer le sang: "Pendant plusieurs années, j'ai pensé qu'aussi longtemps que j'étais vivante et que je continuais à respirer, je me devais de continuer à héberger l'espoir. Mais je n'ai plus la même force et continuer à y croire m'est devenu très difficile. Cependant, je voudrais que vous sentiez que ce que vous avez fait pour nous a fait la différence. Car nous nous sommes sentis des êtres humains. Bon, ma petite maman, que Dieu nous aide, nous guide et nous protège. Pour toujours et à jamais."

Elle a sombré dans la dépression Ces dernières semaines de captivité ont sans doute été les plus cruelles. Vraisemblablement atteinte d'hépatite B et de leishmaniose, une terrible affection cutanée transmise par des moustiques, Ingrid Betancourt, après des années de résistance, a fini par sombrer dans la dépression. Son calvaire semble loin d'être terminé, après les libérations successives de son ancienne directrice de campagne, Clara Rojas, de la parlementaire Consuelo Gonzalez et de quatre autres hommes politiques, en janvier et février.
A quoi songe Ingrid? Qu'elle sera vraisemblablement la dernière à être délivrée du cauchemar qui est le sien depuis déjà six ans et sept semaines. Aux yeux des Forces armées
révolutionnaires de Colombie (Farc), la sénatrice franco-colombienne est devenue, au fil des ans, un trésor de guerre inestimable, une sorte de "joyau de la couronne" dont la médiatisation leur offre une plate-forme politique dans la presse internationale, notamment française. Une carte maîtresse entre les mains d'une organisation que l'Union européenne, les Etats-Unis et la Colombie qualifient de "terroriste".

Dans les oubliettes suffocantes et à demi-obscures de l'Amazonie, à la merci de geôliers de plus en plus cruels, Ingrid Betancourt en est-elle venue à penser, tout compte fait, que le seul moyen de se libérer de ses bourreaux est de se laisser mourir? Ce n'est pas exclu. Femme politique d'un courage physique exceptionnel, elle a en tout cas envisagé que sa disparition porterait un coup dur à l'image internationale de ceux qui sont devenus, au fil de l'épreuve, ses ennemis intimes.
Le récit de Pinchao Depuis le début de sa captivité, Ingrid Betancourt se comporte en résistante. Dans son livre Mon évasion vers la liberté, un best-seller en Colombie, à paraître en France en mai (éd. Florent Massot), le policier John Frank Pinchao, qui s'est évadé en avril 2007, décrit sa codétenue comme une femme aux convictions inébranlables, restée fidèle à ses principes démocratiques et humanistes. Malgré la sauvagerie et l'intransigeance de ses geôliers, elle a toujours refusé l'arbitraire et exigé le respect de la dignité de tous les détenus.

John Franck Pinchao, qui s'est évadé en avril 2007, décrit sa codétenue comme une résistante aux convictions inébranlables.
Ainsi, raconte Pinchao, elle s'improvise porte-parole des otages afin de demander aux guérilleros de leur retirer les chaînes avec lesquelles ils sont attachés. Et elle obtient gain de cause. Un autre jour, elle organise une "grève" pour réclamer une meilleure alimentation. Parfois, ses compagnons se querellent en raison de l'exiguïté de l'enclos barbelé où ils sont parqués. Elle les sermonne alors en leur rappelant qu'il faut se serrer les coudes.

En d'autres circonstances, Ingrid se fait l'avocate, ou l'infirmière, des plus faibles. Quand l'ex-sénateur Luis Eladio Perez est cloué au lit plusieurs mois à cause de crises diabétiques aiguës, elle reste à son chevet. Chaque jour, elle fait sa toilette et vide ce qui lui sert de pot de chambre. "Je dois ma vie à Ingrid, confie-t-il après sa libération, en février. Quand j'ai fait des comas diabétiques, quand j'ai eu un infarctus, Ingrid s'est dévouée corps et âme pour me tirer vers l'avant. Elle s'est occupée de moi quand je ne pouvais pas faire un pas. Elle m'a permis de revivre."

Quatre tentatives d'évasion Cette force de caractère, la captive s'en est également servie pour tenter de s'évader. A quatre reprises, Ingrid a essayé de fuir l'enfer vert du "pays des Farc". Dès le lendemain de sa capture, le 23 février 2002, sur la route de San Vicente del Caguan, elle réfléchit au moyen d'échapper au monde sordide des Farc. Le 24, alors qu'elle est encore assommée par ce qui s'est produit la veille, ses gardiens lui proposent de se distraire à l'aide d'un échiquier. Bien qu'elle ne sache pas jouer aux échecs, la sénatrice accepte en calculant que cela lui permettrait de discuter avec Clara Rojas, son amie d'infortune, sans éveiller les soupçons.

Un mois plus tard, à la fin de mars 2002, les deux femmes trompent nuitamment la vigilance des guérilleros. Afin que personne ne se doute de leur absence, les fuyardes empruntent les bottes de deux autres otages et les placent près de leurs paillasses - une tactique qu'Ingrid utilisera à chacune de ses tentatives ultérieures. La guérilla croit les captives endormies; en fait, elles courent vers la liberté. Leur plan est simple: atteindre une rivière et se laisser porter par le courant.

Mais le rêve tourne court. La nuit, sous l'épais feuillage de l'Amazonie, l'obscurité est totale. Le jour, la végétation ne laisse pas filtrer les rayons du soleil. Impossible de s'orienter grâce au ciel : celui-ci est invisible. Sans alimentation, les deux femmes s'épuisent vite et s'endorment où elles peuvent. Désorientées, perdues, démoralisées, elles atteignent un cours d'eau. Là, elles hèlent une embarcation dans l'espoir d'être secourues. Manque de chance, ses occupants sont des guérilleros en patrouille qui les cueillent dans un état pitoyable...

Ensemble, elles tentent deux nouvelles évasions. "Une fois, bien qu'elles réussissent à demeurer deux jours en liberté, leur énergie n'est plus la même, relate l'hebdomadaire Semana, qui a reconstitué le déroulement de la captivité d'Ingrid. Finalement, elles retournent d'elles-mêmes au campement, le moral en berne." Plus navrant encore: des reproches mutuels écornent leur amitié, qui ne s'en relèvera pas...

L'ex-sénateur est l'un des otages avec qui Ingrid Betancourt noue une solide amitié.
Séparée de Clara RojasEn août 2003, Ingrid Betancourt est séparée de Clara Rojas. La guérilla la place parmi un groupe de prisonniers où elle demeurera jusqu'en août 2007. Celui-ci se compose de militaires, de policiers, d'hommes politiques et de trois Américains. C'est là qu'elle noue de très solides amitiés avec trois autres otages: le policier John Frank Pinchao (évadé en avril 2007), Marc Gonçalves (l'un des trois Américains, toujours aux mains des Farc) et l'ex-sénateur Luis Eladio Perez (libéré en février).

C'est avec ce dernier qu'elle tente une quatrième et ultime évasion. Cette fois, Ingrid patiente six mois, le temps que son ami se rétablisse d'une leishmaniose. Un soir, les deux fugitifs abandonnent le campement. Tout se passe relativement bien: ils descendent, la nuit, le lit d'une rivière vers l'inconnu. Mais, le sixième jour, ils se rendent compte que le froid fait souffrir Luis Eladio, encore convalescent. Ingrid choisit alors de sacrifier son rêve de liberté. Lorsqu'ils voient passer une lancha (barque) pleine de guérilleros, les deux prennent le parti de se rendre.
Au retour, Ingrid est sévèrement punie. Mais elle décide de résister aux hors-la-loi qui entreprennent de l'enchaîner. "Gardez bien cette image en mémoire, vous le regretterez toute votre vie!" hurle-t-elle. Finalement, elle est terrassée par ses gardes-chiourme, qui l'attachent à proximité immédiate des latrines. "Comme ça, les guérilleros ne prenaient même pas la peine de se déplacer pour la détacher lorsqu'elle voulait aller aux toilettes", explique crûment le policier Pinchao.

"Ils se sont acharnés contre elle" Son esprit de résistance, son attitude défiante, son stoïcisme durcissent encore ses gardiens. "Ils se sont acharnés contre elle", a révélé l'ex-sénateur Luis Eladio Perez. "Elle était sans cesse punie", confirme Pinchao. Tout est prétexte à brimades et humiliations. Elle qui aime tant nager n'a pas le droit de se baigner dans la rivière au-delà d'une certaine limite que les autres otages peuvent, quant à eux, dépasser. Un jour, elle demande aux guérilleros la permission d'aménager le sol de son petit abri avec des cailloux. Ils la laissent faire et, goguenards, l'observent toute la journée peiner sous le poids des sacs de pierres. Pour rien... Le lendemain, ils annoncent qu'ils doivent lever le camp.

Lorsque Ingrid Betancourt tombe malade, apparemment d'une hépatite chronique, les hommes des Farc la transportent dans un hamac, en guise de brancard. Surtout, ils la cognent contre les troncs d'arbre et la laissent tomber comme un fardeau lorsqu'ils font une halte. Pour les guérilleros, les otages sont des marchandises. Quand ils en parlent, c'est avec un cynisme inhumain. "Pour ce que j'en sais, c'est une femme grossière, volcanique et provocatrice", écrivait en février dernier le défunt n° 2 des Farc, Raul Reyes, dans une correspondance interne à la guérilla, ainsi que l'a révélé le contenu de l'un de ses ordinateurs saisis par l'armée...

Malgré les brimades, la boue, les maladies, les privations, la flamme qui anime Ingrid vacille mais ne s'éteint pas. Au fond de la jungle, elle continue de rêver à la présidence. Et rédige un projet politique en 190 points, dont certains sont peut-être utopiques: elle projette, par exemple, de créer une ville nouvelle, à l'image de Brasilia, où seraient relogées toutes les familles paysannes chassées de leurs terres par la violence, ou encore de transformer les bidonvilles en zones piétonnières plantées d'arbres fruitiers.

En toutes circonstances, elle encourage son ami John Frank Pinchao à ne pas baisser les bras. "Elle me disait que je devais voir plus loin que le bout de mon nez", écrit le policier dans son livre. Ingrid lui donne des cours de français et lui apprend La Marseillaise. Un jour, lui promet-elle, il connaîtra Paris. La promesse s'est réalisée : après son évasion, le policier s'est rendu au pied de la tour Eiffel. Il a repensé aux leçons de français que lui prodiguait son ami : "Je ne danse pas"; "C'est joli"; "Je m'appelle John Frank Pinchao", répétait-il mentalement. Pendant des semaines, Ingrid a aussi tenté de lui apprendre à nager. Cela lui a sauvé la vie: plusieurs fois, au cours de sa fuite de dix-neuf jours à travers la forêt, le jeune policier a dû traverser lacs et rivières. "Elle a été mon guide, ma lumière dans l'obscurité", dit-il de cette femme à qui il a dédié son récit.

Paris, l'autre moitié d'elle-même Hélas, pour l'instant, il n'y a pas de happy end à "l'affaire Betancourt". Contrairement à Clara Rojas ou à Consuelo Gonzalez, libérées en janvier dernier, Ingrid n'a pas eu le droit de retrouver sa famille. Ni de serrer dans ses bras sa maman adorée, Yolanda, son père, Gabriel (mort de chagrin après l'enlèvement de sa fille), ses enfants chéris, Mélanie et Lorenzo ("Mela" et "Loli"), âgés de 22 et 19 ans, ni Fabrice Delloye et Juan Carlos Lecompte, ses maris successifs. Cela fait plus de six ans qu'elle n'a pas revu Bogota, cette capitale andine perchée à 2 600 mètres d'altitude. Ni Paris et sa place Saint-Sulpice, où elle aimait boire un thé au café de la Mairie. Paris, cette autre moitié d'elle-même, à laquelle toute son histoire est liée...
C'est là que, bébé, cette femme pourtant née en Colombie un 25 décembre 1961 a appris à marcher. Car les premières années de son existence se déroulent en lisière du bois de Boulogne, dans une maison cossue de Neuilly-sur-Seine. A 5 ans, elle retourne dans sa ville natale de Bogota, où son père est nommé ministre de l'Education nationale.
C'est le début d'une série d'allers-retours entre les deux capitales. Ingrid et sa sœur, Astrid, intègrent les classes primaires de l'un des établissements les plus chics de la ville, le lycée français Louis-Pasteur. En 1968, retour à Paris. La famille Betancourt emménage dans un appartement de 500 mètres carrés sur l'avenue Foch. Gabriel vient d'être nommé ambassadeur de Colombie à l'Unesco, tandis que son épouse, Yolanda, une ancienne reine de beauté de quinze ans sa cadette, devient fonctionnaire de l'ambassade de Colombie, à deux pas du palais de l'Elysée. Mais, à l'adolescence, Ingrid, de retour à Bogota avec ses parents, réintègre les bancs du lycée Pasteur.

A sa majorité, enfin, elle obtient de son père l'autorisation d'étudier à Paris, à Sciences po. L'un de ses professeurs se nomme Dominique de Villepin. Naturellement, ils se lient d'amitié, car le futur ministre des Affaires étrangères, élevé à Caracas, au Venezuela, a lui aussi le cœur qui balance entre les Andes et les bords de Seine. A la même période, comme pour parachever son ancrage français, Ingrid se marie avec Fabrice Delloye, un attaché commercial du Quai d'Orsay. Leurs deux enfants naissent sur le sol français.

L'appel de la Colombie Cependant, au début des années 1990, la Latino-Américaine sent monter en elle l'irrésistible appel de la Colombie. Cette fois, le retour est définitif. A cette époque, ce pays deux fois plus étendu que la France, traversé par les Andes et à moitié recouvert de forêt vierge, est ravagé par la criminalité (30 000 morts violentes par an, record mondial), le trafic de cocaïne et la corruption de la vie politique. A cela s'ajoutent d'importants groupes de guérilla, dont le plus nombreux, ancien et violent s'appelle les Farc. De son côté, l'armée, sous-dimensionnée pour faire face à de tels défis, s'adjoint les services de groupes paramilitaires, lesquels sombrent à leur tour dans le trafic de drogue, la criminalité et l'hyperviolence.

C'est dans ce contexte qu'Ingrid Betancourt se lance dans la politique. Elle révèle aussitôt des dons innés pour la communication. Candidate aux législatives de 1994 - elle a alors 34 ans - elle mène une campagne audacieuse. Elle se fait connaître en distribuant des préservatifs dans la rue, afin, explique-t-elle aux automobilistes éberlués, de "protéger la Colombie contre la corruption". Les journalistes adorent.

En un temps record, grâce à son extraordinaire capacité d'expression, elle devient la meilleure communicante de la politique colombienne. Elue, elle saute en marche dans le train du scandale de corruption qui éclabousse le président Ernesto Samper, fraîchement élu et dont la campagne a reçu le coup de pouce financier du cartel de Cali. Un soir, en direct à la télévision, Ingrid accuse sans preuve le président Samper d'avoir commandité cinq assassinats. Un autre jour, nouveau happening : afin de protester contre les conclusions d'une commission d'enquête qui absolvent le chef de l'Etat, elle organise une grève de la faim (qui durera quinze jours) dans l'enceinte du Congrès. Et en 1998, portée par ses succès médiatiques, elle est confortablement élue au Sénat, sous l'étiquette du parti qu'elle vient de fonder avec l'aide de son second mari, le publicitaire Juan Carlos Lecompte: Oxigeno Verde, affilié aux Verts européens.

La Rage au coeur, sa consécrationMais la véritable consécration, c'est en France qu'elle l'obtient. En 2001, encore une inconnue dans l'Hexagone, Ingrid Betancourt publie La Rage au cœur, une autobiographie dont le lancement est aussi parfait qu'un départ de fusée réussi. Propulsées par le passage d'Ingrid sur le plateau des Racines et des ailes, sur France 3, où elle crève l'écran, les ventes de La Rage au cœur atteignent le chiffre vertigineux de 210 000 exemplaires. Un vrai phénomène d'édition.

"Cela fait deux cents ans, écrit-elle, qu'une poignée de grandes familles descendant de conquistadors espagnols pillent le pays et exploitent les pauvres. Je sais de quoi je parle, car je fais moi-même partie de cette caste de privilégiés." A Bogota, cette présentation simpliste fait grincer des dents. La presse ironise sur cette nouvelle Jeanne d'Arc qui se présente en France comme un modèle de pureté dans un monde de brutes.

Les lecteurs relèvent vite les imprécisions du récit. A commencer par les deux tentatives d'assassinat dont Ingrid prétend avoir été la cible... mais dont personne n'a jamais entendu parler en Colombie. Au reste, l'auteur a parfois des accents messianiques. Lorsqu'elle évoque ses compatriotes, Ingrid écrit "mi pueblo" (mon peuple), une terminologie inusitée, même au sein de la classe politique colombienne. A Paris, en revanche, Ingrid Betancourt n'a que des admirateurs: la presse fait ses gros titres sur "L'héroïne", "La femme à abattre", "La guerrière des Andes" ou encore "La femme qui défie le cartel"...

La France conquise, reste à subjuguer la Colombie. Même si Ingrid est certaine de sa bonne étoile, la tâche s'avère difficile. Lorsqu'elle se lance, à 40 ans, dans la course à la présidentielle de 2002, elle est créditée d'à peine 1 % des intentions de vote (ce qui sera effectivement son score à l'arrivée, lors du scrutin qui se déroule alors qu'elle est prisonnière).

Climat tendu en février 2002A cette époque, le pays vit dans un étrange climat de paix armée. Trois ans auparavant, le président (sortant) Andres Pastrana a concédé aux Farc une vaste zone démilitarisée aussi grande que la Suisse, située dans la région du Caguan (sud). C'est la première fois qu'un gouvernant colombien fait un geste si généreux à l'égard de la guérilla. Objectif: amadouer les rebelles pour amorcer le dialogue et tenter de parvenir à un accord de paix. Après quarante mois, cependant, les négociations piétinent. Car les Farc jouent double jeu. Depuis le début, la guérilla utilise son sanctuaire pour renforcer son armement, enrôler de nouvelles recrues, cacher les otages en sa possession et trafiquer de la cocaïne dans des proportions comparables à celles des cartels.

En février 2002, en pleine campagne présidentielle (dont le favori est Alvaro Uribe), le président Pastrana comprend qu'il a été berné par le leader historique des Farc, Manuel Marulanda, expert dans l'art de se faire passer pour un brave paysan naïf. Le 20, le climat se tend soudain. Les Farc prennent en otage le président de la commission de paix du Sénat et dynamitent un pont. Les négociations sont instantanément rompues. Pastrana lance l'opération militaire "Thanatos". Des avions chasseurs tentent d'atteindre les Farc, rapidement repliées dans le maquis. La zone démilitarisée se transforme en zone à haute tension.

Le 23 février, la candidate Ingrid Betancourt et sa colistière, Clara Rojas, se présentent dans la région. Ingrid veut à tout prix se rendre au cœur de la zone "démilitarisée", afin d'atteindre la ville de San Vicente del Caguan, où l'armée vient de débarquer et dont le maire est membre de son parti, Oxigeno Verde. Des officiers tentent de la dissuader. Elle insiste. Le président Pastrana s'apprête justement à s'y rendre par avion pour réaffirmer sur place la souveraineté de l'Etat colombien. Mais il n'y a plus de place à bord.

Finalement, elle s'y rend par la route qui traverse un secteur infesté de guérilleros. Après 42 kilomètres, Ingrid Betancourt et Clara Rojas sont arrêtées à un barrage routier dressé par la guérilla. Et le destin de cette femme qui rêvait de changer le monde bascule alors dans le cauchemar absolu. Dont le monde, à son tour, veut toujours croire qu'elle reviendra.

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